En cette fin d'année 2022, le temps est à la réflexion sur ce qui se passe autour de nous. Au cours des dernières années, nous avons tous eu l'occasion de réfléchir à nos pratiques et à la manière dont nous offrons des services. De nombreux défis ont été mis en lumière et nous ont donné l'occasion de réaliser notre capacité à être flexible, à sortir des sentiers battus et à faire naître l'espoir.
Les situation d'allaitement au sein ou à la poitrine et la lactation humaine en général sont autant de réalités qui contribuent à soutenir un monde d'espoir et d'acceptation. Tous ceux d'entre nous qui travaillent dans ce domaine se sont déjà passé la réflexion que ce que nous faisons peut changer le monde, une famille à la fois. En tant que professionnels de l'allaitement, nous avons la capacité de partager nos connaissances avec les autres et de guider nos collègues, nos communautés et nos gouvernements dans une direction qui profitera à tous.
Nous avons parfois (peut-être même souvent) l'impression de mener une bataille difficile mais les familles que nous aidons ont besoin de cette main tendue vers elles. La pandémie de la COVID nous a une fois de plus démontré l'opportunisme écrasant de l'industrie et la manipulation subtile des mots et du langage. Beaucoup de professionnels de la santé sont craintifs d’induire de la culpabilité lorsque vient le temps de discuter de la lactation, de l'allaitement au sein ou à la poitrine avec la population enceint.e, les nouveaux parents et leurs familles. Voilà une conséquence de la manipulation du message par l'industrie, subtilement mais de manière persistante. Pour reprendre les mots de la regrettée Dre Miriam Labbok : "La culpabilité maternelle est un stratagème de marketing ".1
Qui se sent coupable, qui est à l'origine de la culpabilité et devrait-on vraiment parler de « culpabilité » ? Selon le site le-dictionnaire.com, "la culpabilité est l’état de celui ou de celle, qui est coupable ou réputé coupable d’un crime, d’un délit. ". Je me souviens avoir moi-même discuté de ce sujet avec Dre Labbok il y a plusieurs années après avoir lu "la culpabilité est peut-être le compagnon le plus douloureux du deuil" dans son article de 2008 : Exploration of Guilt Among Mothers Who Do Not Breastfeed: The Physician’s Role.1
Une revue systématique2 de 2021 a suggéré que la culpabilité était ressentie plus fréquemment lorsque le taux d'exclusivité de l'allaitement diminuait et surtout lorsque les intentions d'allaitement n'étaient pas réalisées. La conclusion de l'étude indiquait que pour les mères et les personnes qui allaitent, la culpabilité est ressentie par rapport à la famille et aux pairs, alors que pour les mères et les personnes qui utilisent des préparations commerciales pour nourrissons, la culpabilité est ressentie vis-à-vis des professionnels de la santé et des pairs.2 L'analyse a également révélé le besoin d'un soutien plus réaliste, sans jugement et centré sur la mère/les parents afin de minimiser les expériences de culpabilité et de honte pour les personnes qui allaitent. Il est aussi intéressant de noter que les besoins des mères/parents d'enfants nourris avec des préparations commerciales incluent un soutien pratique sur la façon de nourrir les enfants en toute sécurité et un soutien émotionnel à toutes les personnes qui ne sont pas en mesure de concrétiser leurs intentions d'allaitement.
Un des messages clés de cette étude est la recommandation de mettre de côté le message d'exclusivité de l’allaitement pendant six mois au profit d'une approche de soutien où « chaque tétée ou repas compte ».2
Passons-nous à côté de quelque chose? Cette culpabilité dont on parle serait-elle en fait un deuil relié à la perte de l’allaitement?
Qu'est-ce que le deuil et la perte ? Selon le-dictionnaire.com « Le deuil est un grande tristesse causée par une chose funeste, déplorable » et « la perte est la privation de quelque chose de précieux, d’agréable, de commode, qu’on avait ». Labbok explique « Lorsqu'une personne vit une perte et un deuil, éprouver et accepter ces sentiments est une partie importante du processus de guérison. » Dans son texte, elle met en relation les 5 étapes du deuil de Kubler-Ross avec le deuil de l'allaitement et ce parallèle en vaut la lecture.
En tant que professionnels de l'allaitement, nous devons être conscients du deuil de la lactation, de l'allaitement au sein ou à la poitrine et de l’alimentation au lait humain afin de mieux soutenir les personnes avec lesquelles nous travaillons. Nous devons être des défenseurs et inclure le soutien au deuil dans notre action. Beaucoup le font déjà sur un plan individuel et sont connus comme des bouées de sauvetage pour tant de femmes qui voulaient allaiter et ne pouvaient pas le faire.3
Un merci tout spécial à la Dre Yvonne LeFort pour notre récente conversation sur le deuil entourant l'allaitement, alors que nous marchions au bord de la mer en Nouvelle-Zélande.
N'oubliez pas qu’au-delà de l’attitude, il y a les mots et les termes que nous employons. Le langage que nous choisissons d’utiliser est puissant et peut redonner du pouvoir et de l’espoir. En utilisant les termes privilégiés par nos clients, nous les reconnaissons et les incluons dans la conversation.
L'équipe d’e-Apprentissage santé souhaite à tous de passer de joyeuses Fêtes de fin d'année et nous accueillons l'année 2023 avec force et engagement pour continuer d’améliorer notre formation et nos services à la communauté internationale de la lactation.
[1] Labbok, M. (2008). Exploration of guilt among mothers who do not breastfeed: The physician's role. Journal of Human Lactation, 24(1), 80-84. undefined undefined
[2] Jackson, L., De Pascalis, L., Harrold, J., & Fallon, V. (2021). Guilt, shame, and postpartum infant feeding outcomes: A systematic review. Maternal & Child Nutrition, 17(3).undefined undefined
[3] “World infant feeding week”: What this says about breastfeeding grief. (2018, August 22). Evolutionary Parenting | Where History And Science Meet Parenting. Accessed Nov 25, 2022 undefined