“La grossesse se déroulait normalement et, jusqu’à ce matin, elle avait toujours senti les mouvements du bébé. Mais aujourd’hui, c’était différent. Le bébé était vraiment calme, trop calme. Sur l’heure du midi, elle constata qu’elle n’avait pas encore senti ses mouvements depuis le matin. À 38 semaines de gestation, elle se rendit chez le médecin qui n’a pu entendre le cœur fœtal. Elle a dû se rendre d’urgence à l’hôpital. Le travail a été provoqué alors que la future mère essayait de comprendre ce qui se passait à travers un tourbillon d’émotions. Dix heures plus tard, elle donna naissance à une magnifique petite fille de 8lb et 3oz, parfaite …et mort-née” (récit partagé par une famille endeuillée).
Il n’existe pas de consensus sur l’âge fœtal minimal dans la définition du terme mortinaissance. Cela varie entre vingt-deux et vingt-huit semaines de gestation. “L’incidence de mortinaissance varie énormément selon les études réalisées dans différents pays et selon la définition utilisée. L’intervalle de variation est compris entre 3.1 à 6.2/1000 naissances ou encore 1 sur 160 naissances” (Tavares Da Silva et al., 2016).
La mortinatalité est une réalité extrêmement difficile pour les familles affligées et pour les professionnels de la santé qui sont impliqués. De l’infirmière qui assiste à l’accouchement à la sage-femme ou au médecin qui est présent(e) lors de la mortinaissance, les personnes témoins vivront une expérience de deuil. La consultante en lactation (IBCLC) peut aussi faire partie de l’équipe qui sera appelée à discuter avec la famille pour les préparer au déclenchement spontané de la lactation. La discussion avec la mère portera sur le déroulement des prochaines heures et sur ce qu’elle peut faire.
“La mère endeuillée devrait être informée que sa lactation s’activera d’elle-même entre 30 et 40 heures après la mise au monde de son bébé… Explorez avec elle ce qu’elle souhaite faire de son lait, comme l’apporter avec elle à la maison, le jeter ou le donner à une banque de lait humain. Offrez-lui les coordonnées de la banque de lait la plus près si c’est un choix qu’elle considère. Les familles peuvent contacter elles-mêmes la banque de lait. Les banques de lait vont demander à la mère donneuse de passer des tests sanguins (sans frais) afin d’accepter les dons de lait” (Parkes et al., 2016).
Il y a aussi les professionnels de la santé impliqués dans les soins à un nouveau-né qui décède quelques temps après la naissance. Même lorsque la mort imminente du nouveau-né était un fait connu et attendu de tous, le décès d’un bébé est une expérience difficile à vivre. Une boîte à souvenirs peut être préparée et donnée aux parents qui ont perdu un enfant dans la période périnatale afin de souligner l’existence de cet enfant parti trop tôt. La boîte pourrait contenir des souvenirs du bébé, des photos, l’empreinte des pieds, une mèche de cheveux, une petite couverture et même les documents de l’hôpital. L’infirmier/infirmière ou le/la travailleur(euse) social(e) est généralement en charge de préparer ce coffret pour les parents. Cette démarche fait partie du processus de deuil, à la fois pour les parents et pour les professionnels soignants.
Un sujet rarement abordé dans le deuil périnatal est le décès d’un jumeau (ou multiple). Les mères qui perdent un jumeau n’ont très souvent pas de temps pour vivre leur deuil car l’attention est portée sur le jumeau survivant. Sur le site internet du Center for Loss in Multiple Birth (Centre pour la perte d’un enfant dans une grossesse multiple), on peut y lire :
“Un jumeau”! Voici une expression paradoxale. C’est une réalité que nous n’avions jamais imaginée au moment d’apprendre que nous attendions des jumeaux car tout est devenu « fois deux ». Pourtant, pour beaucoup d’entre nous, c’est ce qui arrive en raison des risques plus élevés pendant la grossesse et à l’accouchement. D’une part, nous en élevons et prenons soins d’un, et de l’autre, nous vivons un deuil et notre bébé nous manque. Nous vivons simultanément toutes les émotions des nouveaux parents et celles des parents endeuillés, le tout en une seule réalité” (Kollantai & Center for Loss in Multiple Birth (CLIMB) Inc., n.d.)
Les parents ayant perdu un jumeau ont un rappel constant de leur perte par l’entremise de l’enfant survivant. Le sentiment de perte ne disparaît jamais. À chaque accomplissement et chaque moment clé de l’enfant qui se développe et grandit, demeure le souvenir de ce qui aurait pu être. “Les parents passent à travers la perte d’un jumeau mais ne s’en remettent jamais complètement. La présence en chair et en os de l’enfant en vie est un rappel constant qu’un autre est mort” (Swanson, 1988, p. 80)
Retourner à la maison les bras vide demande du courage. Les parents auront besoin de soutien affectif pour entrer dans la chambre de l’enfant, pour toucher les petits vêtements et pour ranger graduellement les choses qui ne servent pas. Cela peut prendre des jours, des semaines, des mois et même plus. Des arrangements funéraires seront peut-être nécessaires. Cette étape, quoique très difficile, fait partie du processus de deuil. “Des amis et collègues de travail sont en venus aux funérailles en nombre plus grand que j’aurais pu imaginer. Il y avait même des étrangers. Cet appui de notre communauté s’est avéré un ingrédient indispensable dans notre expérience de deuil” (Woods and Esposito Woods, 1997, p. 527).
C’est aussi au retour à la maison que les mères sont plus susceptibles de développer un engorgement des seins et elles auront besoin de conseils. L’information sur la gestion de l’engorgement devrait avoir été offerte avant ce moment, que la mère choisisse d’entretenir la production et de donner son lait ou qu’elle préfère supprimer la lactation. Les fausses couches qui surviennent aussi tôt que le début du deuxième trimestre peuvent aussi résulter en une lactation inattendue.
Pour en apprendre plus sur la lactation après un deuil périnatal, vous pouvez aller voir notre présentation d’expert XL51: Lactation Choices following Peri and Postnatal loss, par Kathy Parkes (en anglais).
Références
Carroll, K. E., Lenne, B. S., McEgan, K., Opie, G., Amir, L. H., Bredemeyer, S., … Polverino, J. (2014). Breast milk donation after neonatal death in Australia: a report. International Breastfeeding Journal, 9(1), 23. doi:10.1186/preaccept-1782472017139037
Kollantai, J., & Center for Loss in Multiple Birth (CLIMB) Inc. (n.d.). Loss of a twin. Extrait de http://www.climb-support.org/lossofatwin/
Lawn, J. E., Blencowe, H., Waiswa, P., Amouzou, A., Mathers, C., Hogan, D., … Cousens, S. (2016). Stillbirths: rates, risk factors, and acceleration towards 2030. The Lancet, 387(10018), 587-603. doi:10.1016/s0140-6736(15)00837-5
Parkes, K., Ricci, E., Harrison, G., Ives-Baine, L., Limbo, R., Porter, S., . . . Taylor, K. K. (2016). Pregnancy Loss and Infant Death Alliance (PLIDA) position statement on lactation after perinatal loss requires education and specialized care. Extrait du site PLIDA: http://www.plida.org/position-statements/
Swanson, K. (1988). There should have been two: Nursing care of parents experiencing the perinatal death of a twin. Journal of Perinatal and Neonatal Nursing, 2 (2), 78-86.
Tavares Da Silva, F., Gonik, B., McMillan, M., Keech, C., Dellicour, S., Bhange, S., … Munoz, F. M. (2016). Stillbirth: Case definition and guidelines for data collection, analysis, and presentation of maternal immunization safety data. Vaccine, 34(49), 6057-6068. doi:10.1016/j.vaccine.2016.03.044
Woods, J. R. & Esposito Woods, J. L. (1997). Loss during pregnancy or in the newborn period: principles of care with clinical cases and analyses. Pitman, NJ: Jannetti Publications Inc.